Autovía de Bata

Alumbramiento público de la nueva autovía de Bata: tramo Ngolo – Puerto

C’est par ce projet d’éclairage public que j’ai commencé ma carrière de Responsable de Succursale. Ce n’est donc pas anodin si cet article est le premier de ce portefolio.
Souvenez-vous […]

1. Périmètre du projet :

Projet d'éclairage public de Bata.

Projet d’éclairage public.

La particularité de ce projet est d’avoir été commandée en urgence pour la fête nationale du « Doce de Octubre ». Jour commémorant la ratification de la constitution républicaine. Ce jour-là donc, l’excellentissime Chef d’Etat, Monsieur le Président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, ne pouvait décemment pas défiler de jour, du palacio Africa au Stade International de Bata, sur une voie rapide non éclairée. C’est pourquoi il a été décidé d’avancer le calendrier national des ouvrages de GEProyectos, de découper le projet initial de 10 kilomètres en plusieurs lots, de mettre les petits plats dans les grands, et de confier au groupe Eiffage l’électrification de la chaussée.

C’est donc en grandes pompes que notre aimable société allemande envoya par avion: lampadaires, câbles électriques, générateurs électrogènes, et chefs de chantiers pour illuminer ces 3 kilomètres séparant le palais présidentiel du stade de Bata (Stade où aura lieu en 2012 la cérémonie d’ouverture de la CAN GAGUI, anecdote à l’attention des connaisseurs).
Grâce à la réalisation sans fausse note de ce providentiel lot urgentissime et excellentissime que Eiffage fut pressenti et reconduit pour la suite de l’exécution du marché.

2. Contexte :
Je vous invite à consulter l’article consacré à la Guinée Équatoriale.

3. Objectifs :
Nous l’avons vu, ce projet est en fait la seconde partie du projet global d’électrification de ce que nous appelions communément la voie rapide de Bata ; officiellement intitulé: « Proyecto de Alumbramiento publico de la nueva autovia de bata: tramo Ngolo – Puerto ». De quoi prêter à confusion puisque le sens premier de « alumbramiento » est « accouchement». Ce qui m’a valu plusieurs situations comiques avec nos amis hispanophones, puisque nous sommes littéralement en présence d’un projet « d’accouchement public de la nouvelle voie rapide ». Mais je vous rassure, « alumbramiento » ça veut aussi dire « illumination ».

Voie rapide de Bata.

Voie rapide de Bata.

Ce projet donc a pour objectif d’électrifier la zone de voie rapide depuis le rond-point Ngolo, jusqu’au rond point du port. J’emploie le terme électrifier car il s’agit à la fois d’éclairer les voies de circulation et de distribuer le courant électrique dans les quartiers populaires alentours, c’est donc vraiment un projet d’intérêt général comme je les aime.

4. Livrables :
Pour un montant total de 8.200.000.000 Francs CFA (code XAF selon ISO4217), le projet prévoit:

  • La livraison et l’installation de 320 lampadaires double 250W / 150W pour éclairer à la fois la chaussée et le trottoir, de chaque côté de la voie sur 7 km. Ce qui nous fait un lampadaire tous les 50m, en quinconce. Autant dire que la voie est très très bien éclairée.
  • L’électrification par câble électrique aérien sur 6 km en zone urbaine, à raison d’un poteau tous les 20 mètres.
  • La livraison et l’installation de 8 transformateurs à huile MT/BT flambants neufs,
  • La construction des 4 postes de transformations manquants,
  • 16000m de câble BT sousterrain aluminium,
  • 7000m de câble BT aérien aluminium torsadé,
  • 5000m de câble MT sousterrain armé cuivre,
  • et avec le sourire!

5. Planification :

Planning du projet

Planification du projet d’électrification.

6. Organisation du projet :
Pour ce projet, le nombre de collaborateurs fluctue entre 20 et 50 membres selon l’imbrication des différentes phases de travail. Au plus gros des chantiers, lorsqu’il s’agissait de forer, “tirer” les câbles, construire les postes de transformations et “planter” l’installation aérienne, l’équipe projet comptait plus de 50 personnes. En moyenne, nous avions le staff suivant:

Equipes sur le projet.

Equipes projet.

7. Management des risques :
Puisque tout ne se passe pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, le management des risques (et des crises !) est un incontournable de notre travail. C’est d’ailleurs aujourd’hui un domaine très prolifique de notre monde tertiaire. Les cabinets de consulting, les normes internationales, et les qualiticiens abondent. Chacun possède ses petites grilles de lecture multicritères pour envisager -ou écarter- le pire ; échelles quantitatives, approches qualitatives […] de tout ceci, retenons simplement qu’une gestion éclairée des risques doit permettre une analyse exhaustive des risques potentiels liés au projet, à l’environnement et à l’entreprise, puis d’élaborer un plan de traitement des risques pour soit les réduire, les transférer, les refuser ou les accepter, selon les ressources à notre disposition.
Pour conclure cette introduction, et rentrer dans le vif du sujet (J’espère que tout comme moi vous êtes impatients de parler des problèmes quand lesquels je me suis fourré), gardons à l’esprit que de toutes façons, ça ne se passe jamais comme prévu! Alors restez sur vos gardes, faites des audits, prévoyez dans votre budget une part pour risques et aléas, et détendez-vous.

Afin de vous présenter les risques que nous avons dû prévenir ou gérer avec enthousiasme et bonhommie durant ce projet, je vais vous les énumérer par thématique, des plus évidents, aux plus imprévisibles et irrésistibles (les cas de force majeure).

Les accidents de chantier, ça malheureusement, ça ne peut pas manquer, alors autant s’en prémunir le plus possible. Les actions à entreprendre sont multiples, et peuvent parfois paraitre ridicules mais ici l’adage “mieux vaut prévenir que guérir” n’a jamais été aussi vrai; parce qu’escorter un employé à l’hôpital et réconforter les familles sont des moments très douloureux que je ne souhaite à personne.
Pour ce chantier précis, malgré la situation géographique difficile nous avons eu assez peu d’accidents. Pour rappel il s’agit d’un travail d’électrification à deux mètres de la chaussée d’une voie rapide, certes limitée à 60km où cependant la vitesse moyenne oscille autour de 100km/h, avec un trafic dense souvent composés de véhicules lourds (camions-bennes, grumiers, porte-containers, etc.), dont l’entretien des véhicules est propre à ce type de pays (où le contrôle technique n’est pas un obstacle à la circulation). Nous nous trouvons donc sur un site très accidentogène, avec au moins un accident matériel par jour (et je suis gentil).

  • Le plus cocasse des accidents fut l’immobilisation d’un Unimog par un gravas d’environ 1m3, perdu au passage d’un camion China Road.
  • Poursuivons la liste des dégâts matériels subis par les lampadaires arrachés par des tiers. Nous en comptons une vingtaine d’abattus par an. Quelques uns sont la conséquence d’accidents de chantiers, dans ces cas-là les assurances respectent leurs engagements (merci SOMAGEC et BOUYUES!). Les autres sont majoritairement des accidents à la charge de personnes physiques, et là, pas d’assurance ni de fonds propres. Comme je l’ai dit la route est accidentogène, bien que le tronçon soit plutôt linéaire.
  • Finalement, un seul accident corporel fut à déplorer, malgré la signalisation lourde imposée par le maitre d’œuvre, le chauffeur du Maire, après être allé déposer les enfants à l’école privée de la Première Dame su Excelencia Constancia Mangue, perdit le contrôle de son véhicule, sortit de la chaussée dans une courbe et faucha deux de nos jeunes manœuvres entrain de réaliser des connexions dans une tranchée. De part le statut social du conducteur, l’affaire fut rapidement étouffé et les familles eurent droit à des funérailles dignes.

Les jeux de pouvoirs entre les parties prenantes. S’il y a un courant de pensée cher au monde anglo-saxon, c’est bien la gestion des personnes. Et le management de projet dans son acception la plus consensuelle (c’est-à-dire anglo-saxonne) ne fait pas exception à la règle. Une nouvelle orientation de la politique d’urbanisme? Une association de voisinage en colère? Savoir anticiper sur ces contretemps par des campagnes de sensibilisation, des tables rondes et des actions de communications simples sur le terrain suffisent souvent à désamorcer des perspectives tendues.
Parmi les rares épisodes houleux que nous avons traversés, à cause de divergence d’intérêts (disons-le joliment ainsi), deux me semblent bien suffisamment amusants pour être racontés :

  • Le premier est sûrement un grand classique de corruption. Printemps 2011 nous voici arrivés à la période prospère de la facturation sur avancement. Toutefois, lors des réunions de chantiers successives le représentant du Maitre d’Oeuvre refuse de signer les Procés-Verbaux de visite. Seul un « petit bonus » pourra l’aider à sauter le pas, nous explique-t-il. Soulignons que « petit bonus » est un euphémisme qui se chiffre à plusieurs millions XAF naturellement. Après plusieurs discussions infructueuses pour lui faire entendre raison, et comme nous étions peu enclain à en référer à ses supérieurs, nous décidâmes de porter l’affaire devant le maitre d’Ouvrage. Bien que lente, la procédure administrative finit par nous donner raison.
  • Le second épisode est bien plus spécifique au Code du Travail équato-guinéen. Il intervint à la date l’échéance des contrats de travail à durée de chantier de nos manœuvres. Bien qu’ils aient été avertis de longue date, la réalité eut bien du mal à faire l’unanimité parmi nos salariés. Un meneur nationaliste galvanisa le groupe, et provoqua un mouvement de protestation. Après sept heures de séquestration dans nos bureaux, j’acceptais la négociation. Finalement, c’est par la distribution d’une raisonnable prime supplémentaire de fin de contrat que nous pûmes regagner nos foyers, au terme d’une journée bien remplie. La suivante s’annonçait tout aussi pleine puisque dans la précipitation un employé, bien décidé à nous montrer qu’il est « plus guinéen que nous » venait de voler les clefs de la voiture et de l’appartement du chef de chantier. Autre épisode qui nous valu l’improbable mais heureux dénouement de passer par le bureau du Directeur général adjoint à la sécurité, mais ceci est une autre histoire…

La logistique import/export. Autre élément avec lequel il faut composer à l’international. Se renseigner sur les infrastructures multimodales de la région, connaitre les formalités douanières propres au pays et s’armer de patience sont des points clefs pour bien planifier son projet et maîtriser les opérations.
En raison de l’engorgement de l’administration du port de Bata, des zones de stockages, des appareils de manutentions et de quais, le débarquement des matériaux pouvait souvent prendre un mois de retard. Une fois cette donnée connue et intégrée, tout va bien.

  • Le seul vrai contretemps que nous ayons essuyé fut la mise en vigueur d’une nouvelle taxe sur le commerce extérieur « permiso especial de importación de mercancías » (je pense volontairement sur anecdotes croustillantes pour contracter des porte-containers et des grues en règles). Cette mesure intervint en 2012 pour permettre au ministère du commerce d’atteindre ses objectifs annuels de recettes. De tête, ce nouveau « permis spécial d’importation de marchandises »s’élevait à plus de 10% de la valeur de la marchandise importée. Le genre de surprise qui dissoudre n’importe quel comité de pilotage. Nous étions de nombreux titulaires de marchés gouvernementaux à être touchés par cette crise budgétaire : L’autoroute de Mongomo, la distribution d’eau potable de Bata […] En attente de trouver une solution, la plupart des projets nationaux s’en trouvaient ralentis. Pourtant en juin 2011 la Guinée Equatoriale organiserait le congrès de l’Union Africaine à Sipopo, puis en novembre la cérémonie d’ouverture de la Coupe d’Afrique des Nations aurait lieu à Bata. Pressé par ses engagements internationaux, le gouvernement ne souhaitait pas reproduire le scandale de l’organisation ratée des Jeux du Commonwealth par l’Inde la même année. C’est donc après plusieurs mois de tractations, et une légère compensation fiscale perçue par le délégué régional au ministère du commerce, que les livraisons purent reprendre.

Les vols et dégradations de matériel : Nous abordons maintenant le sujet beaucoup plus commun de perte de matériel. Pour prévenir ces risques, les mesures classiques de sécurité s’imposent, selon vos moyens et selon le type de marchandise à protéger (gardiennage, vidéosurveillance, alarmes, clôtures, etc.). L’autre mesure incontournable c’est la souscription d’assurance pour transférer les risques, notamment lors des transports. Chaque projet n’épargne pas son lot de déconvenues, voici les grandes lignes auxquelles nous dûmes faire face :

  • Vol d’un rouleau de cuivre et séquestration du gardien. Celui-ci fut retrouvé bailloné dans les hautes herbes, en contrebas du dépôt, après une demi-journée passées sous le soleil équatorial. Selon son témoignage, un groupe déguisé en militaires, armés de kalachnikovs, l’auraient ligoté.
  • Vol d’une voiture de fonction. Après une période d’essai réussi, le mécanicien du dépôt prit la fuite vers le Cameroun au volant d’un des pickups de l’entreprise. Il fut intercepté à une barrière militaire près de Nie Fang, bien avant la frontière.
  • Vol à main armé dans un logement de fonction. L’intérêt d’avoir souscrit une assurance multirisque habitation prend ici tout son sens. Le plus ennuyeux dans cette affaire est qu’il s’agissait d’une location meublée. Le propriétaire, Chef de corps de la gendarmerie de Bata, s’en trouva très désappointé.
  • Dégradation de marchandises durant le transport. L’armature des câbles Basse Tension fut cisaillée sur la partie superficielle des rouleaux, ce qui se traduit tout de même par des centaines de mètres de câble à tronquer. Ce genre de perte imprévue peut freiner le déroulement d’un chantier et faire perdre la maîtrise du Budget. L’assurance de transport est une mesure de transfert de risques indispensable, et si vous négociez bien les incoterms avec votre fournisseur, cela peut être avantageux.

Respect de la législation locale. Bien qu’il ne soit pas question pour cette fois de cas de force majeure, l’environnement politique et socio-économique d’un projet a toujours un peu de ce caractère irrésistible propre aux « forces majeures ». Ce qui peut donner, certains jours, la sensation que le spectre de l’état de crise plane en permanence au dessus de nous. Il suffit de s’intéresser à l’actualité du continent africain pour s’en persuader : Révolution de Jasmin en Afrique du Nord, activités terroristes au Sahel et au Nigéria, conflits armés au Congo-Kinshasa et en Centrafrique, contentieux territoriaux entre le Gabon et la Guinée […] Dans le pire des cas la solution est de geler le projet, sauver les actifs, et garder le contact dans l’expectative de jours meilleurs. Mais en ce qui nous concerne, le pays étant au moins superficiellement stable, il convient simplement de se munir d’un regard d’expert pour analyser le contexte local.

  • Le respect de la législation n’est pas une mince affaire. Nul n’est sensé ignorer la Loi. Cependant la lire est un travail à temps plein. Il convient de sous-traiter cette tâche à un Cabinet fiduciaire pour gérer les actifs, réaliser les états de l’exercice comptable, et surtout développer à partir d’une veille juridique permanente une réelle expertise du contexte législatif. Ce qui n’est pas de trop pour faire face à la montagne annuelle de contrôles fiscaux, et démêler le vrai du faux parmi les inspecteurs du travail, les inspecteurs des cotisations sociales, et les représentants ministériels.

Clôture du projet :
Pour conclure cet article, je dirai que L’exécution du projet fut réalisée dans les temps, malgré quelques imprévus comme l’engorgement du port de Bata ou la nouvelle législation tarifaire du ministère du commerce. Grâce à notre maîtrise des temps, et notre vision réaliste des risques potentiels, nous avons su faire face aux ralentissements et aux pénuries en modifiant l’ordonnancement des tâches, afin d’atteindre les objectifs trimestriels de rendement que nous nous étions fixés. Finalement la venue de l’ingénieur “metteur en route” eut lieu à la date prévue, et les tests furent concluants. Si le projet lui-même s’était bien déroulé dans l’ensemble, organiser sa conclusion fut bien plus délicat. Nous pensons que, comme l’entreprise publique d’électricité SEGESA ne possédait pas les ressources nécessaires pour entretenir l’ouvrage, cette dernière ainsi que les acteurs ministériels impliqués freinèrent des deux pieds pour ralentir sa remise définitive. Ainsi nous avons du faire face à diverses complications administratives qui retardèrent, premièrement le raccordement au réseau public, et deuxièmement la réception du projet par le maître d’ouvrage. Si bien que le projet ne fut réceptionné qu’en juillet alors qu’il s’était achevé en mars. Avec ces installations, la ville pouvait sereinement accueillir la Coupe d’Afrique des Nations à l’automne.

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